• Merci à tous ceux qui votent pour moi tous les jours et pour lesquels je ne prends pas le temps de répondre individuellement.

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  • En ce temps là, combien mémorable, quand revenaient les beaux soirs davril, les jeunes gens de la petite cité où je m’étais réfugié, garçons et filles, tous braves, plus ou moins sages, se composaient un visage angélique, tandis qu’ils revêtaient leurs plus aguichants habits.

    C’était leur manière de signifier que le printemps de leur vie bravait les rigueurs du moment et les multiples interdictions dont souffraient surtout les adolescents.  Mais, eux avec l’insouciance avaient mine d’ignorer que ces heures vécues s’appelleraient plus tard les plus sombres de l’histoire de leur pays.
    Sur l’artère principalement, somptueusement appelée "Boulevard National", ils déambulaient en deux bandes joyeuses et se croisaient régulièrement autant que, dès la fin du boulevard elles en revenaient à son début. C’était devenu la mode attractive du lieu.
    Avec un air de fierté et de désinvolture pour les uns, les mains dans les poches, inconsciemment serraient des envies de filles. Elles, sans nul égard pour ce défi, les toisaient effrontément, anodines, souhaitant fort cependant que du regard on les assassine.
    Parmi ces vaillants compères il y en eut un qui se montrait malgré lui plus timide. Il sortait juste du collège et ses maîtres bien pensants avaient eut négligence de lui enseigner quelle science convenait d’aborder les filles dignement dans la rue.  Un Jean de Nivelles, à lui comparé, eut bien vite compris que les ruses employées par ces faux Don Juan étaient fallacieuses et ne pouvaient aboutir qu’à piteux résultats.  Tout bien réfléchi, il comprit finalement que par ce jeu dérisoire la suprématie d’un sexe ne se démontrait pas. Les poings serrés pourtant, il se contentait de passer avec indifférence.  A force de chasser la chimère, poings serrés, la main fatigue….. fatalement. Or, il advint fort à propos justement, comme par indavertance, qu’une victime consentante vint se prendre à cet innocent piège.
    Elle semblait sortir tout droit d’un conte d’Andersen. Elle eut pu s’appeler Iasmina, tant sa taille gracile la faisait ressembler à la fleur au délicat parfum. Née d’une fée dès aube du matin, déjà femme au visage enfantin. Ses yeux étaient bleus comme un jour de bonheur. Ses cheveux, comme ceux des poupées de vitrines, descendaient sur son front en bouclettes blondes et sur ses joues transparentes de longues mêches se frisaient finement. Que sa robe, galamment festonnée de dentelles et de rubans, que sa robe l’habillait bien ! Un artiste inspiré l’eut prise pour modèle de Madone serrant sur son coeur une rose à la main. 

     Pourqoui tant de beauté par quel génie prodigué, s’il doit leur concéder un fragile destin ? Qu’allaient-ils se montrer sur ce pauvre boulevard ?

    Pour comble de bienfait une proche amie de la belle intime, comme le sont parfois entre elles les jeunes filles, dit-on, n’entendit pas laisser à l’autre profit d’une sourde et même attirance. Elle au contraire de son amie, eut pu figurer comme héroïne de romans d’aventures ou de chevalerie. Peut-être que dans un autre temps elle eut pu devenir, encore plus passionnée que lady Rowena, la fiancée d’Ivanhoé.
    Sa haute stature, son port de tête altier, son teint légèrement hâlé, sa longue chevelure brune, tressée en bandeau, formant une cascade chatoyante jusqu’au milieu du dos, ses grands yeux noirs d’un parfait velours qui mangeaient la moitié de son visage aux traits purs arrondis, ses narines frémissantes, sa bouche fortement dessinée par des lèvres gourmandes, tout lui conférait un attribut trouble et mystérieux.

    Les parents bienheureux, sachant que leurs filles prenaient ensemble leurs sorties, misaient une superbe confiance. Finalement le trio consentit un pacte d’agrément tellement l’entente était parfaite et charmante. La promenade sur le boulevard, bien vite fut laisser aux autres, qui sûrement jalousaient leur absence. Par contre, les petits chemins de la campagne ne virent jamais d’aussi gentils passaqgers, devisant gaiement, tantôt se frôlant les mains, parfois même la taille.
    Quelle délicieuse douleur pressentaient-ils le soir quand ils devaient enfin se quitter après avoir retarder ce moment à l’extrême limite ? Le jour ou plus exactement le soir arriva où cet instant précis devait se conclure enfin par un vrai baiser d’amour si ardemment attendu, plus passionné que l’habituel gentil baiser déposé sur la joue aimablement tendue. Mais à laquelle fallait-il confier cet ardent dépôt et comment manoeuvrer sans prendre le risque de troubler une si tendre amitié et provoquer peut-être l’irrémédiable conflit amoureux ?

    Notre adonis en herbe sentit qu’il ne pouvait plus retarder son choix. A la faveur de la dernière courbe du petit chemin il approcha de son creux pour longer au plus près espérant ain si qu’une belle y viendrait à sa suite. Y vint justement celle qui des deux était à son avis la plus sérieusement séduite. Sans surprise, gentiment, l’imprisonna dans ses bras…. Holà qu’arrive-t-il soudain ?
    Elle, consentante, n’a pas bougé cependant. Mais voici que deux bras étrangers font arceau sur son cou, le retiennent à son tour prisonnier. C’est donc cela : elle y sont venues toutes les deux ? Mais non !
    Au temps de ses enfantines prières, l’Enfant Jésus ne lui avit jamais accordé pareille félicité. Lui fallait-il dans un tel tourment ajourner un si proche et délicieux contact ? Au plus près de la bouche offerte de la tendre Iasmina il déposa, trop longtemps peut-être, l’apaisant baiser si anxieusement préparé. Et voilà qu’à présent sur l’autre coin des siennes, deux autres lèvres également humides et chaudes de la tromblante amie s’en venaient s’appliquer.
    Il lui sembla qu’une musique céleste venait s’étendre sur le monde comme un hymne de paix. La nature toute belle en ce temps imposa le silence à tout être vivant qui hantait ces lieux, tel à croire que la terre un instant s’arrêta de tourner.

    Combien de temps dura ainsi l’étreinte ? Seules en ont souvenir et gardent ce secret les fleurs du vallon, les ombres sculptées par les joncs sur la rivière lente.
    Innocent de l’amour, exilé du présent qui par son trouble profond à des lois différentes soumet le même élan ! Le temps que perdure le bonheur est-il mesurable quand à vos sens il semble être aboli ? Derrière le muret témoin pudique et muet de ces faits, trois cerisiers sauvages entourés d’églantiers, également en fleurs, à la belle saison d’amour, étalent leurs blanches couronnes. Une brise légère comme naguère s’élève parfois dispersant alentour un tapis de pétales.
    S’enfuit le temps qui entretient la féérie du conte. Bien des évènements viennent ensuite détruire le paysage, boulverser les situations, imprimer la nostalgie des sentiments hélas même s’en prendre à la sérénité d’un bonheur à peine entamé.

    C’est la loi de la nature, implacable. L’ordre s’établit et ne peut s’agrandir qu’au prix d’un désordre encore plus grand.

    Là, le moment n’est plus de le conter…..
                                                                                                Théophime Gatiéru.

     

     


    EXPLICATION DE CE  CONTE 
     
    Fallait-il qu’il l’aimât pour qu’après plus de soixante années les souvenirs restent si intacts, gravés dans sa mémoire. Les détails sont si précis que la lectrice que je suis à la sensation que cette scène s’est déroulée hier. Même les fleurs et leurs parfums ont laissé des empreintes gravées dans ses sens, jsuqu’à en redécouvrir leurs odeurs rien qu’en fermant les yeux.
    Par pudeur, comme il savait si bien s’en accommoder il intitula "conte" une période de sa vie tellement autobiographique qu’il est difficile de ne pas l’identifier.
    A ce époque là cette affection naissante ne pensait pas encore, et de loin, à faire germer cette graine qui m’a permise d’être en ce moment le témoin fructifé de cette passion.
    C’est vrai que la vie est cruelle, au point de briser ce miroir féérique pour ne laisser refléter qu’un visage de jeune homme avec des cicatrices amoureuses et celui d’une petite fille à ses côtés dont les traits sont si enfantins que les années les modifieront son cesse. Le plus pur des éphèbes laissent s’évanouir un jour ou l’autre toute sa tristesse et sa mélancolie pour à nouveau s’ouvrir au monde qui l’entoure.
    Il s’agit là d’instincts naturels, l’individu se doit de faire perdurer l’humanité. Mais ne dit-on pas que l’on oublie jamais son premier amour, à fortiori lorsqu’à vos côtés une présence candide vous rappelle qu’à une période de votre existence le bonheur fut à son paroxysme.
    Dans mon enfance il m’a été narré, par une spectatrice ancestrale une histoire passionnelle qui par coïncidence ressemble étrangement au conte qui a été relaté…. S’il a plu au conteur de transformer cette tranche de vie en récit fabuleux, il faut respecter sa volonté.
    Peut-être qu’à l’âge d’une grande maturité, avant d’aller, quelque part, dans une génèse inconnue, retrouver celle qui l’a attendue dans son éternelle jeunesse, il lui était indispensable de laisser une trace romanesque d’une biographie qui par décence n’a pas voulu dire son  nom.
    Comme tous les contes, le sien aurait pu commencer par "il était une fois", mais hélas le destin a décidé que la fin serait différente des contes que l’on raconte aux enfants. Le prince est resté mais la jeune et jolie princesse s’en est allée, beaucoup trop tôt, rejoindre le jardin  des anges.

     

                                                                                                        Lenida

     


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    Tel ces deux enfants insouciants qui essaient de capter l'eau source de vie dans leurs mains juvéniles, emprisonnons dans notre coeur uniquement les belles choses de la vie.

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  • Lhistoire commence en 1890,  au mois d’Août, dans un petit village ardennais, dans une famille où les dix frères et soeurs viennent d’apprendre qu’une petite, très petite soeur vient de naître et qu’elle s’appellera Augustine. 

    Elle détient, hélas un record, celui de ne peser que 750 gr, pensez donc, une livre et demi ! Les parents sont persuadés qu’elle n’a aucune chance de survie. Aussitôt on l’installe bien au chaud, non pas dans un berceau douillet, mais dans une boîte à chaussures, bien emmitouflée dans ses langes et dans une couverture. Augustine s’y trouve très bien et décide de résister pour vivre dans cette famille où tout le monde est habitué à se serrer les coudes.

    Les parents travaillent dans les champs tandis que les plus vieux des frères vont à l’usine et les grandes soeurs s’occupent des plus petits et du travail de la maison.

    A l’heure des tétées la maman demande à ses filles de lui amener Augustine sur le lieu de son travail de la terre. Mais il faut faire plusieurs kilomètres à pied et en cette fin d’été il fait chaud. Alors elles pretextent que l’enfant ne se réveille pas toujours à l’heure de la têtée et ne se déplacent qu’une fois sur deux. La maman intriguée décide un jour de rentrer à la maison à l’improviste. Et là stupeur ! Elle découvre que sa petite fille est en train de têter le pis d’une biquette. Et Dieu que cela paraît bon ! Le premier réflexe de la maman est de gronder ses filles pour l’imprudence qu’elles ont commises et pour leur mensonge, mais au fond d’elle-même elle est obligée de reconnaître que l’enfant maigrichonne a pris du poids et à l’air de bien s’accommoder de ses repas.

    C’est décidé cette biquette ne servira pas de plat de viande à la famille, elle va vieillir dans l’étable et donnera son lait à Augustine, mais bien sûr dans un biberon, puisque grâce à elle la petite fille sera sauvée.

    Augustine a grandi, c’est maintenant une belle jeune fille. Elle va rencontrer Charles au mariage de sa soeur Berthe, il est le neveu du marié.

    Mais hélas la "grande guerre" éclate et Charles est mobilisé. Il part au front à Saint-Mihiel, non loin de Verdun.  Les allemands arrivent en France, il faut partir. Augustine prend quelques affaires et avec Berthe qui vient de perdre son mari d’une grave maladie, monte dans un train pour gagner la capitale.

    Arrivées à Paris, elles trouvent une chambre d’hôtel et se mettent en quête de travail. Pendant plusieurs années elles feront du repassage pour les belles dames de Paris.

    Les lettres qui lui paarviennent de Charles se font pressantes et il l’a demande en mariage. Sans hésiter elle lui répond qu’elle accepte. Il aura une permission  de 24 heures pour venir à Paris se marier et avec déchirement repartira sur le champ de bataille où il aura une vilaine blessure. Un éclat de balle d’obus va l’atteindre à la gorge et se loger auprès du larynx. Hospitalisé à Reims pendant quelques temps, il retournera faire son devoir de combattant.

    Après l’armistice les deux femmes s’en retournent dans leur province ardennaise. Les habitudes quotidiennes reprennent et le soldat rentre chez lui meurtri dans sa chair. Il reprend son travail dans son usine de machines-outils ce qui lui permet d’oublier quelque peu ces années passées dans l’enfer des  "tranchées".

    Augustine mettra au monde une première fille, puis deux ans après une deuxième, puis une troisième, le 31 Décembre 1926. On l’appellera Denise.

    Tout irait bien si les menaces d’une seconde guerre ne se profilait pas à l’horizon. Là encore la vie de la famille va basculer. Il faut choisir entre rester français ou devenir allemand. Et là Charles n’a aucune hésitation. Il ne s’est pas battu pour rien de 1914 à 1918, non il restera français. Il a passé l’âge d’être mobilisé une seconde fois, mais les allemands n’atteindront pas son moral.

    Augustine, Berthe, Alexandre un de leur frère, et les trois filles font leurs valises et quittent tout, la maison achetée quelque temps auparavant et tout ce qu’il y a à l’intérieur. Et c’est l’exode vers l’inconnu. On les entasse dans des wagons à bestiaux pour fuir ces allemands qui avancent à grands pas dans les Ardennes. Charles lui doit sauver son usine. Aidé par ses ouvriers ils démontent nuit et jour les machines pour les charger sur les convois de trains afin que les allemands n’accaparent ces engins pour les emener en Allemagne.

    Après plusieurs jours de voyage dans des conditions abominables, après plusieurs arrêts dans des villes inconnues, la famille arrive à Niort dans les Deus-Sèvres. Cette ville va être leur dernier point d’attache. Tout est a recommencer à zéro. La recherche d’un logement, l’installation de l’usine.

    Après quelques mois le malheur va de nouveau les frapper. Faute d’un manque de main d’oeuvre (les hommes sont partis à la guerre) Charles va travailler tous les jours de la semaine. Les ouvriers qui travaillent dans son nusine sont trop jeunes ou trop vieux pour partir à la guerre. Et un dimanche alors qu’il était seul occupé à nettoyer ses machines, sa jambe de pantalon va être happée par le roulement d’un moteur et il va avoir la jambe broyée.  Tant bien que mal il va se dégager et se traîner jusqu’à la porte pour appeler de l’aide. Conduit à l’hopital il sera opéré, mais hélas il ne retrouvera pas l’usage de sa jambe et sera condamné à se déplacer dans une chaise roulante.

    Les deux premières filles se sont mariées et Denise va rencontrer son "prince charmant". A son tour elle se marie. Elle est de santé fragile et le médecin de famille lui conseille d’attendre deux à trois ans pour concevoir un enfant. Mais elle rêve d’un bébé rapidement. Elle va se retrouver enceinte et accouchera d’une petite fille qu’elle prénommera Danielle. Sa santé va s’aggraver et cinq mois après elle ne résistera pas à la maladie.

    Charles et Augustine sont pourtant habitués à toutes sortes d’épreuves, mais celle-ci sera de loin la plus dure à supporter. Cette enfant est là et il va falloir l’élever. Le père n’a que 23 ans et il ne pourra pas assumer tout seul la charge de ce bébé. C’est avec un courage inouï que ses grands-parents vont l’aider à grandir.  Augustine lui servira de mère, d’ailleurs elle l’appellera "maman".

    Au début de l’année 1960 Charles va être atteint d’un cancer au larynx dû à l’éclat d’obus de la guerre de 1914. Il sera hospitalisé de longs mois à Niort et à Bordeaux et subira une opération qui le privera de la parole.

    Sans relâche Augustine sera présente à ses côtés en faisant des allers-et-retours de Niort à Bordeaux, en train, alsors qu’à cette époque les déplacements nécessitaient de longues heures de voyage.  En avril 1961, hélas Charles va s’éteindre après avoir enduré des souffrances abominables. La encore Augustine va se trouver très affectée par le décès de celui qui aura été son compagnon tant aimé pendant plus de cinquante années.

    Fatiguée par tant de douleurs, elle sera soutenue par cette petite fille qui a grandie. Elle est devenue une adolescente.  A son tour elle aura un enfant.  Une petite fille prénommée Elisabeth, qui vingt cinq ans plus tard donnera naissance à une garçon, Romain.

    A l’arrivée d’Elisabeth la joie reviendra à cette mamie vieillissante. Elle l’entourera de tout son amour et de sa tendresse et la regardera grandir à ses côtés.  Augustine va connaître d’autres épreuves. Sa vue va diminuer pour se réduire à néant. Elle ne gardera du visage de ses deux êtres chers que le souvenir dans sa mémoire. Progressivement sa santé va se détériorer. Elle aussi subira de terribles souffrances sans jamais se plaindre. Comme elle l’aura fait tout au long de sa vie, en acceptant les épreuves que Dieu lui infligeait. Peut-être que sa foi l’a aidée dans toutes ses peines ?

    Elle avait 83 ans lorsqu’elle est partie rejoindre Charles dans le royaume des bienheureux.

    Sa vie aura été faite de joie vite ternie à chaque fois par un malheur. Ce petit bout de femme de 750 grammes a lutter pendant 83 ans pour survivre à toutes les embûches qui se sont mises sur son chemin.

    Cette fille qui l’a vue vieillir et qui l’a accompagnée jusqu’à son dernier soupir, c’est moi, Danielle, sa mémoire. Elle a été pour moi ma Mère, ma grand-mère, ma confidente, mon amie.

    Je souhaite en écrivant ces lignes que sa mémoire reste à jamais dans l’esprit de mes descendants, même ceux qui ne l’ont pas connue, que l’on parle d’elle, pour qu’elle soit toujours présente dans les coeurs, elle qui en avait un si énorme qui lui a permis de vivre en le donnant aux autres.


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