• De mémoire vive

    Lhistoire commence en 1890,  au mois d’Août, dans un petit village ardennais, dans une famille où les dix frères et soeurs viennent d’apprendre qu’une petite, très petite soeur vient de naître et qu’elle s’appellera Augustine. 

    Elle détient, hélas un record, celui de ne peser que 750 gr, pensez donc, une livre et demi ! Les parents sont persuadés qu’elle n’a aucune chance de survie. Aussitôt on l’installe bien au chaud, non pas dans un berceau douillet, mais dans une boîte à chaussures, bien emmitouflée dans ses langes et dans une couverture. Augustine s’y trouve très bien et décide de résister pour vivre dans cette famille où tout le monde est habitué à se serrer les coudes.

    Les parents travaillent dans les champs tandis que les plus vieux des frères vont à l’usine et les grandes soeurs s’occupent des plus petits et du travail de la maison.

    A l’heure des tétées la maman demande à ses filles de lui amener Augustine sur le lieu de son travail de la terre. Mais il faut faire plusieurs kilomètres à pied et en cette fin d’été il fait chaud. Alors elles pretextent que l’enfant ne se réveille pas toujours à l’heure de la têtée et ne se déplacent qu’une fois sur deux. La maman intriguée décide un jour de rentrer à la maison à l’improviste. Et là stupeur ! Elle découvre que sa petite fille est en train de têter le pis d’une biquette. Et Dieu que cela paraît bon ! Le premier réflexe de la maman est de gronder ses filles pour l’imprudence qu’elles ont commises et pour leur mensonge, mais au fond d’elle-même elle est obligée de reconnaître que l’enfant maigrichonne a pris du poids et à l’air de bien s’accommoder de ses repas.

    C’est décidé cette biquette ne servira pas de plat de viande à la famille, elle va vieillir dans l’étable et donnera son lait à Augustine, mais bien sûr dans un biberon, puisque grâce à elle la petite fille sera sauvée.

    Augustine a grandi, c’est maintenant une belle jeune fille. Elle va rencontrer Charles au mariage de sa soeur Berthe, il est le neveu du marié.

    Mais hélas la "grande guerre" éclate et Charles est mobilisé. Il part au front à Saint-Mihiel, non loin de Verdun.  Les allemands arrivent en France, il faut partir. Augustine prend quelques affaires et avec Berthe qui vient de perdre son mari d’une grave maladie, monte dans un train pour gagner la capitale.

    Arrivées à Paris, elles trouvent une chambre d’hôtel et se mettent en quête de travail. Pendant plusieurs années elles feront du repassage pour les belles dames de Paris.

    Les lettres qui lui paarviennent de Charles se font pressantes et il l’a demande en mariage. Sans hésiter elle lui répond qu’elle accepte. Il aura une permission  de 24 heures pour venir à Paris se marier et avec déchirement repartira sur le champ de bataille où il aura une vilaine blessure. Un éclat de balle d’obus va l’atteindre à la gorge et se loger auprès du larynx. Hospitalisé à Reims pendant quelques temps, il retournera faire son devoir de combattant.

    Après l’armistice les deux femmes s’en retournent dans leur province ardennaise. Les habitudes quotidiennes reprennent et le soldat rentre chez lui meurtri dans sa chair. Il reprend son travail dans son usine de machines-outils ce qui lui permet d’oublier quelque peu ces années passées dans l’enfer des  "tranchées".

    Augustine mettra au monde une première fille, puis deux ans après une deuxième, puis une troisième, le 31 Décembre 1926. On l’appellera Denise.

    Tout irait bien si les menaces d’une seconde guerre ne se profilait pas à l’horizon. Là encore la vie de la famille va basculer. Il faut choisir entre rester français ou devenir allemand. Et là Charles n’a aucune hésitation. Il ne s’est pas battu pour rien de 1914 à 1918, non il restera français. Il a passé l’âge d’être mobilisé une seconde fois, mais les allemands n’atteindront pas son moral.

    Augustine, Berthe, Alexandre un de leur frère, et les trois filles font leurs valises et quittent tout, la maison achetée quelque temps auparavant et tout ce qu’il y a à l’intérieur. Et c’est l’exode vers l’inconnu. On les entasse dans des wagons à bestiaux pour fuir ces allemands qui avancent à grands pas dans les Ardennes. Charles lui doit sauver son usine. Aidé par ses ouvriers ils démontent nuit et jour les machines pour les charger sur les convois de trains afin que les allemands n’accaparent ces engins pour les emener en Allemagne.

    Après plusieurs jours de voyage dans des conditions abominables, après plusieurs arrêts dans des villes inconnues, la famille arrive à Niort dans les Deus-Sèvres. Cette ville va être leur dernier point d’attache. Tout est a recommencer à zéro. La recherche d’un logement, l’installation de l’usine.

    Après quelques mois le malheur va de nouveau les frapper. Faute d’un manque de main d’oeuvre (les hommes sont partis à la guerre) Charles va travailler tous les jours de la semaine. Les ouvriers qui travaillent dans son nusine sont trop jeunes ou trop vieux pour partir à la guerre. Et un dimanche alors qu’il était seul occupé à nettoyer ses machines, sa jambe de pantalon va être happée par le roulement d’un moteur et il va avoir la jambe broyée.  Tant bien que mal il va se dégager et se traîner jusqu’à la porte pour appeler de l’aide. Conduit à l’hopital il sera opéré, mais hélas il ne retrouvera pas l’usage de sa jambe et sera condamné à se déplacer dans une chaise roulante.

    Les deux premières filles se sont mariées et Denise va rencontrer son "prince charmant". A son tour elle se marie. Elle est de santé fragile et le médecin de famille lui conseille d’attendre deux à trois ans pour concevoir un enfant. Mais elle rêve d’un bébé rapidement. Elle va se retrouver enceinte et accouchera d’une petite fille qu’elle prénommera Danielle. Sa santé va s’aggraver et cinq mois après elle ne résistera pas à la maladie.

    Charles et Augustine sont pourtant habitués à toutes sortes d’épreuves, mais celle-ci sera de loin la plus dure à supporter. Cette enfant est là et il va falloir l’élever. Le père n’a que 23 ans et il ne pourra pas assumer tout seul la charge de ce bébé. C’est avec un courage inouï que ses grands-parents vont l’aider à grandir.  Augustine lui servira de mère, d’ailleurs elle l’appellera "maman".

    Au début de l’année 1960 Charles va être atteint d’un cancer au larynx dû à l’éclat d’obus de la guerre de 1914. Il sera hospitalisé de longs mois à Niort et à Bordeaux et subira une opération qui le privera de la parole.

    Sans relâche Augustine sera présente à ses côtés en faisant des allers-et-retours de Niort à Bordeaux, en train, alsors qu’à cette époque les déplacements nécessitaient de longues heures de voyage.  En avril 1961, hélas Charles va s’éteindre après avoir enduré des souffrances abominables. La encore Augustine va se trouver très affectée par le décès de celui qui aura été son compagnon tant aimé pendant plus de cinquante années.

    Fatiguée par tant de douleurs, elle sera soutenue par cette petite fille qui a grandie. Elle est devenue une adolescente.  A son tour elle aura un enfant.  Une petite fille prénommée Elisabeth, qui vingt cinq ans plus tard donnera naissance à une garçon, Romain.

    A l’arrivée d’Elisabeth la joie reviendra à cette mamie vieillissante. Elle l’entourera de tout son amour et de sa tendresse et la regardera grandir à ses côtés.  Augustine va connaître d’autres épreuves. Sa vue va diminuer pour se réduire à néant. Elle ne gardera du visage de ses deux êtres chers que le souvenir dans sa mémoire. Progressivement sa santé va se détériorer. Elle aussi subira de terribles souffrances sans jamais se plaindre. Comme elle l’aura fait tout au long de sa vie, en acceptant les épreuves que Dieu lui infligeait. Peut-être que sa foi l’a aidée dans toutes ses peines ?

    Elle avait 83 ans lorsqu’elle est partie rejoindre Charles dans le royaume des bienheureux.

    Sa vie aura été faite de joie vite ternie à chaque fois par un malheur. Ce petit bout de femme de 750 grammes a lutter pendant 83 ans pour survivre à toutes les embûches qui se sont mises sur son chemin.

    Cette fille qui l’a vue vieillir et qui l’a accompagnée jusqu’à son dernier soupir, c’est moi, Danielle, sa mémoire. Elle a été pour moi ma Mère, ma grand-mère, ma confidente, mon amie.

    Je souhaite en écrivant ces lignes que sa mémoire reste à jamais dans l’esprit de mes descendants, même ceux qui ne l’ont pas connue, que l’on parle d’elle, pour qu’elle soit toujours présente dans les coeurs, elle qui en avait un si énorme qui lui a permis de vivre en le donnant aux autres.


  • Commentaires

    1
    steph068480
    Mardi 13 Janvier 2009 à 16:31
    bonjour danielle
    c vraiment une histoire tres belle et un miracle qui survit malgre les embuche mais grace a la joie et lamour
    bonne journee
    2
    Tachka
    Vendredi 30 Janvier 2009 à 17:06
    Un bel hommage que tu lui rends l?Tu as raison en disant qu'il faut qu'elle reste dans les m?ires et les c?urs.
    3
    Lady Royo
    Dimanche 22 Août 2010 à 04:46
    Touchant, entraînant, je n'ai pas les mots pour décrire ce texte rempli d'émotions.
    4
    douceurs
    Lundi 23 Août 2010 à 21:59
    Mon émotion est tellement forte que je ne saurais l'exprimer... Vibrant hommage
    Bisous ma Lénida
    5
    LOULOU
    Mardi 23 Novembre 2010 à 10:16
    c'est une histoire tres touchante et quelle intensité, des mots d'une mamie, et ne pas les oublier c'est ce qu'il y a de plus important, parlez d'eux chaque jour!
    demain sera l'anniversaire de ma Mamie partie trop top, alors qu'elle fut pour moi une maman aussi je la considerai ainsi et pourtant j'avais ma maman, mais toutes les deux m'ont tant apporté!
    j'arrete la tristesse s'empart de moi, mais je ne suis pas venu pour te fairer pleurer, non loin de la mais l'amour nous rend triste quelques fois meme quand c'est pour en parler positivement! je t'embrasse fort toi aussi tu es une Mamie à part!
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :